Chaque mois de décembre, pendant que le pays entier s’active pour préparer les fêtes de fin d’année, les contribuables attendent avec anxiété la publication de la loi de finances (LF 2021) pour savoir à quelle sauce ils seront mangés. En effet, ce ne sera qu’à la fin du mois de décembre que les particuliers et entreprises connaitront les règles d’imposition des revenus et bénéfices de l’année écoulée.
Cette année est hors norme tant les prévisions budgétaires pour 2020 ont été chamboulées par la crise sanitaire, de sorte que le Parlement a déjà voté quatre lois de finances rectificatives (LFR), dont la dernière le 30 novembre, afin de prendre des mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises et professionnels.
On retiendra en substance du PLF 2021 et des quatre LFR 2020 la volonté du gouvernement de relancer l’économie en soutenant les entreprises durement touchées par la crise sanitaire (1) en continuant à maintenir le cap du programme présidentiel avec la poursuite des réformes engagées en matière de taxe d’habitation et d’impôt sur les sociétés (3), le tout sur fond de durcissement de la fiscalité verte alliant des mesures incitatives et des mesures sanctions (2).
Me Anne Crosnier-Martel
Avocat au Barreau de Chambéry
Intervient plus particulièrement en matière de contentieux fiscal, de prévention et règlement de litiges en droit des affaires ainsi que des difficultés des entreprises.
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1. Des mesures exceptionnelles au soutien des entreprises touchées par la crise sanitaire
Beaucoup d’entreprises et de professionnels sont exsanguent, privés de fait ou par l’effet de la loi, de tout ou partie de chiffre d’affaires, l’arsenal des mesures d’aide votées par les dernières LFR (1.1) est encore renforcé par le projet de loi de finances pour 2021 (1.2) :
1.1 Les principales mesures de soutien en vigueur (LFR 3, n°2020-935, JO 31 juillet 2020, LFR4, n°2020-1473, JO 1er décembre 2020).
Parmi les nombreuses mesures fiscales d’aide, on retiendra particulièrement :
– Le renforcement du fonds de solidarité et des autres dispositifs d’aide d’urgence aux entreprises et indépendants (LFR 4)
– Le remboursement anticipé des créances de report en arrière des déficits (créance de « carry back »)
– Le dégrèvement exceptionnel des deux tiers de la CFE au titre de 2020 en faveur de certaines PME institué sur délibération des communes et de leurs EPIC (à vérifier auprès de chaque collectivité concernée. A défaut de dégrèvement spontané, une réclamation devra être déposée avant le 31 décembre 2021)
– La prolongation jusqu’au 31 décembre 2020 du versement aux salariés de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée d’IR et de cotisations sociales (sous certaines conditions)
– Le déblocage exceptionnel de l’épargne retraite des travailleurs non-salariés à hauteur de 8.000 euros (exonération d’impôt sur le revenu à hauteur de 2.000 euros, sous certaines conditions)
– L’exonération exceptionnelle des dons familiaux de sommes d’argent en faveur des petites entreprises ou d’opérations de rénovation énergétique et de construction de la résidence principale.
1.2 Les nouvelles mesures d’aides du projet de loi de finances pour 2021
– INSTAURATION D’UN CREDIT D’IMPOT POUR ENCOURAGER LES ABANDONS DE LOYERS
L’Etat ne pouvant s’immiscer dans les relations entre bailleurs et locataires a pris des mesures de nature à inciter les bailleurs à rééquilibrer les rapports contractuels.
Un crédit d’impôt serait institué au profit des bailleurs qui consentent des abandons de loyers au profit d’entreprises les plus durement touchées par les conséquences des mesures restrictives prises par le gouvernement en vue de lutter contre la crise sanitaire (PLF 2021, article 43 sexdecies).
Bailleurs concernés : personnes physiques ou morales de droit privé (attention toutefois en cas de lien capitalistique ou familial entre bailleur et locataire).
Abandon de loyers éligibles : sont concernées les remises définitives de loyers (hors accessoires), dans la limite de 800.000 euros par locataire, consenties au titre de la période de confinement commencée le 30 octobre 2020 au profit d’entreprises locataires qui remplissent les conditions suivantes (avoir moins de 5.000 salariés, prendre en location des locaux qui font l’objet d’une interdiction d’accueil du public au cours de la période de confinement ou exercent leur activité dans un des secteurs listés par décret -Décret 2020-371 du 30 mars 2020 et ne pas être en difficulté, ni liquidation judiciaire).
Montant du crédit d’impôt : 50% de la somme totale des abandons de loyers (montant retenu dans la limite de 2/3 des abandons de loyers accordés lorsque l’entreprise locataire a au moins 250 salariés).
Le crédit d’impôt s’imputerait sur l’impôt dû au titre de l’année civile au cours de laquelle l’abandon de loyer a été pratiqué.
Précisons que la mesure incitative à la négociation, n’est pas privative du recours au juge pour rééquilibrer le contrat de bail.
– CREATION D’UN REGIME TEMPORAIRE DE NEUTRALISATION FISCALE DES REEVALUATIONS D’ACTIFS
Afin d’améliorer les capacités de financement des entreprises compte tenu du contexte de crise économique, le PLF2021 propose d’introduire un nouveau régime temporaire et optionnel de neutralisation des conséquences fiscales des réévaluations d’actifs (PLF 2021, art.5)
– EXONERATION FACULTATIVE DE CONTRIBUTION ECONOMIQUE TERRITORIALE EN CAS DE CREATION OU D’EXTENSION D’ETABLISSEMENT
Cette mesure proposée afin de stimuler les investissements fonciers productifs et favoriser l’implantation ou l’extension d’activités sur le territoire serait accordée sur délibération des collectivités concernées et ce, pendant une durée de 3 ans (PLF 2021, art. 42).
– REPORT DE LA REFORME DU REGIME TVA DU COMMERCE ELECTRONIQUE
En raison de la crise provoquée par la pandémie de COVID 19 et à la suite de la décision du Conseil de l’UE, le PLF2021 prévoit de reporter de 6 mois, soit au 1er juillet 2021, la date d’entrée en vigueur de la réforme en profondeur du régime de TVA du commerce électronique.
2. La poursuite du durcissement de la fiscalité verte
– VEHICULES A MOTEUR : CREATION D’UN MALUS AU POIDS ET HAUSSE DU BAREME DU MALUS
Forte augmentation, lissée sur 3 ans, de la taxation des véhicules à moteur.
Augmentation du barème CO2 avec un seuil de déclenchement à 133g/Km en 2021, 128 g/km en 2022 et 123/km en 2023.
Augmentation du barème en puissance administrative avec un seuil de déclenchement en 2021 de 250 € pour 5 CV et un maximum de 30.000 € à partir de 21 CV, montant porté à 1.000 euros pour 5 CV en 2022 et 500 euros pour 4CV en 2023.
Une nouvelle taxe assise sur la masse du véhicule s’appliquerait à partir du 1er janvier 2022 à la première immatriculation des véhicules de tourisme de plus de 1.800 kg, à hauteur de 10€ par kilogramme au-delà de 1.800 kg (PLF 2021, article 45).
Ce malus au poids s’ajouterait au malus CO2 mais serait plafonné de sorte que le montant cumulé des deux malus n’excède pas le montant maximum du malus CO2 (40.000 € en 2022 et 50.000€ en 2023).
Seraient notamment exonérés les véhicules électriques, les véhicules hybrides sous certaines conditions.
– LA TRANSITION ENERGETIQUE
Création d’un crédit d’impôt pour la rénovation énergétique des bâtiments à usage tertiaire des PME (PLF 2021, art. 3 nonies).
Conditions : locaux achevés depuis plus de 2 ans, dépenses engagées du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2021
Dépenses éligibles : raccordement à un réseau de chaleur ou de froid et acquisition et pose d’un système d’isolation thermique, d’un chauffe-eau solaire, d’une pompe à chaleur, d’un système de ventilation.
Montant du CI : 30% du prix de revient HT des dépenses plafonné à 25.000 euros
3. La poursuite des mesures annoncées lors de la campagne présidentielle
– LA RECONDUCTION DE L’EXONERATION DE LA TAXE D’HABITATION AFFERENTE A L’HABITATION PRINCIPALE
Poursuite du mécanisme de sortie en sifflet de la taxe d’habitation sur la résidence principale (LFR n°3, art.16), taxe dont la suppression avait été annoncée pour 2023.
– LA REDUCTION DU TAUX DE L’IMPOT SUR LES SOCIETES
La baisse du taux de l’impôt sur les sociétés engagée par loi de finances pour 2018 se poursuit.
Pour les PME, le taux normal de l’impôt sur les sociétés est ramené à 28 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, à 26,5 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021 et enfin à 25 % à compter du 1er janvier 2022.
Chaque entreprise est unique, et à ce titre doit bénéficier d’un accompagnement sur mesure pour traverser la crise économique.
Afin que votre entreprise puisse bénéficier de tout le soutien nécessaire à la relance et pérennité de son activité, n’hésitez pas à prendre conseil auprès de votre avocat.