C’est le début de la période estivale, les résultats des examens sont publiés, les étudiants studieux peuvent profiter sereinement de leurs vacances. Et vous ? Quel regard portez-vous sur la gestion de votre entreprise ? Passeriez-vous avec brio un contrôle fiscal « nouvelle génération » ?
Le 03 juillet 2018, le Sénat a adopté, en première lecture, après engagement de la procédure accélérée, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière. Ce texte est le dernier en date d’une série de mesures visant à renforcer l’arsenal de lutte contre la fraude fiscale, mais aussi contre l’irrespect (volontaire ou non) de ses obligations fiscales par le contribuable.
Ce mouvement a été initié en 2006 sous l’impulsion de l’administration (BOI 13L106 du 24 janvier 2006 sur les procédures de contrôle informatisées) consacré par le législateur en 2012 (LFR 2012, sur l’obligation de constituer et transmettre le Fichier des écritures comptables). Depuis le 06 décembre 2013, avec le vote de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière qui a institué un Procureur de la République financier, chaque année les pouvoirs de l’administration fiscale sont accrus par le législateur, les procédures de contrôles sont automatisées, les sanctions décuplées, la lutte contre les « mauvais contribuables » est devenu l’affaire de tous : fournisseurs de logiciels mais aussi clients, employeurs, salariés…
Le législateur, au nom de l’efficacité fiscale, a instauré l’indemnisation des « aviseurs », personnes étrangères à l’administration, qui fourniraient des renseignements de nature à lutter contre certains manquements à la réglementation fiscale (Loi de Finances pour 2017 n°2016-1916 du 29 décembre 2016, article 109).
Tout entrepreneur, chef d’entreprise ou individuel, doit personnellement savoir quelles sont les principales procédures de contrôle fiscal et connaître ses obligations en la matière.
Nul doute qu’un contribuable bien préparé sera serein pendant la procédure de contrôle de ses obligations déclaratives.
Les services de contrôle de l’administration fiscal, appelés « Brigades de vérification » disposent de plusieurs procédures de contrôle et moyens d’action qu’ils adaptent en fonction de la situation du contribuable et du manquement présumé (1), le contribuable vérifié dispose quant à lui d’un certain nombre de droits et de recours qu’il lui appartient de connaître (2).
Me Anne Crosnier-Martel
Avocat au Barreau de Chambéry
Intervient plus particulièrement en matière de contentieux fiscal, de prévention et règlement de litiges en droit des affaires ainsi que des difficultés des entreprises.
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Les nouveaux modes de contrôles
Jusqu’au 31 décembre 2016, l’administration avait à sa disposition deux modes traditionnels de vérification de comptabilité le contrôle sur pièces ou la vérification de comptabilité de l’entreprise.
Le contrôle sur pièces permet de vérifier à distance, sans déplacement, des incohérences relevées dans les déclarations du contribuable (par exemple dans le cadre de rapprochement des déclarations de chiffre d’affaires et liasse fiscale).
La vérification de comptabilité, procédure de contrôle spécifique, consiste à dépêcher un agent vérificateur dans l’entreprise pendant une durée plus ou moins longue suivant la nature de l’activité vérifiée et son volume (trois mois maximum pour les petites entreprises).
Grâce à ces modes traditionnels de contrôles, l’administration procédait en moyenne à 45.000 vérifications de comptabilité, soit un taux de vérification de 1,3% (rapporté au nombre d’entreprises en France, soit 3.400.000).
La création de la nouvelle procédure d’examen de comptabilité, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, avait pour objectif de permettre à l’administration de multiplier le nombre de contrôles sans augmenter le nombre de vérificateurs et en réduisant leurs déplacements en entreprise.
De quoi s’agit-il ? Schématiquement, vous recevez un avis d’examen de comptabilité vous demandant de remettre à l’administration fiscale les fichiers des écritures comptables (ci-après « FEC ») de votre entreprise concernant la période vérifiée dans un délai de 15 jours.
Faute d’y déférer dans le délai de 15 jours ou si vous ne répondez que partiellement à cette demande vous vous exposez à de lourdes sanctions.
A réception des FEC l’administration dispose d’un délai de 6 mois pour effectuer les traitements de ces fichiers. Autrement dit, par l’utilisation de logiciels spécifiques, l’administration va passer au crible votre comptabilité et vos déclarations. Un rapport mettant en exergue les anomalies et incohérences est émis automatiquement sans que le vérificateur n’ait eu à analyser votre comptabilité.
Selon les cas, l’examen de comptabilité se traduira par une notification d’absence de redressement, une proposition de rectification ou une vérification de comptabilité classique.
Les droits et recours du contribuable vérifié
Les droits et recours du contribuable vérifié sont d’abord ceux de droit commun tels que garantis par les droits supranationaux et notre Constitution ainsi que ceux spécifiques à la matière du droit fiscal essentiellement rassemblés dans le Livre des Procédures Fiscales, la doctrine administrative et la Charte du Contribuable vérifié.
Le droit à un avocat
Le premier des droits du contribuable vérifié est de demander à être assisté par son avocat. En effet, rappelons que la procédure de contrôle fiscal relève du droit et que c’est le rôle de l’avocat de défendre les droits du contribuable vérifié. En outre, dans l’hypothèse d’une difficulté entraînant un procès-verbal de l’administration, une saisie ou emport de documents, une demande auprès d’un de vos clients, fournisseurs, une audition …la présence de l’avocat peut s’avérer indispensable.
Lorsque l’avocat est présent aux côtés du chef d’entreprise dès le début du contrôle, les relations avec le service vérificateur sont souvent plus fluides, l’avocat étant alors l’interface entre son client et l’administration.
Le droit au silence
Quelle que soit la question posée au contribuable ou à un tiers sur le contribuable dans le cadre de la procédure de vérification, la personne interrogée a toujours le droit de conserver le silence.
Ce droit est absolu et ce, quel que soit le contexte : procédure d’audition, question écrite ou orale.
En principe, mieux vaut silence gardé qu’ânerie racontée ! D’autant que s’agissant de propos relatifs à des tiers, la diffamation et les faux témoignages sont interdits.
En général, il est conseillé de désigner un interlocuteur unique au vérificateur. C’est souvent le rôle dévolu à votre avocat, lequel aura pour mission de recueillir les questions du vérificateur, d’interroger l’expert-comptable si besoin ou toute autre personne (salarié, banque, client…) le tout dans le cadre de son secret professionnel afin de rédiger la réponse au service vérificateur avec votre aval.
Le droit à un débat contradictoire et oral
Ce droit inhérent à toute procédure de vérification, sauf cas particulier, garantit au contribuable vérifié un dialogue avec le service vérificateur sur les rectifications que celui-ci pourrait envisager.
Les recours non contentieux au profit du contribuable contrôlé
Afin d’éviter des erreurs ou déviances, le législateur et la doctrine administrative ont prévu et garantissent divers recours non contentieux dénommés « recours gracieux », ouverts au contribuable dès le commencement des opérations de vérification et après la clôture de celle-ci. Il ne faut pas hésiter à demander conseil suffisamment tôt à votre avocat sur ces différents recours lesquels constituent autant d’opportunités de dialogues possibles avec des personnes différentes avant la mise en recouvrement et donc le paiement d’impôts supplémentaires, pénalités et majorations le cas échéant (supérieurs hiérarchiques, interlocuteur départemental, commission IDTCA…).
Les procédures spécifiques visant à réduire l’impact d’un redressement
A condition de les exercer dans les délais et formes impartis, le contribuable redressé peut solliciter diverses mesures afin de minorer l’impact des rappels d’impôts, intérêts de retard et/ou majorations mis à sa charge suite au contrôle de sa comptabilité (demande de régularisation spontanée, demande de règlement d’ensemble, demande de bénéfice du mécanisme de la cascade, demande de remise des pénalités…).
Les nouveaux outils dont dispose l’administration pour opérer des contrôles de comptabilité, nécessitent une préparation en amont du chef d’entreprise et un suivi attentif des opérations de contrôle. N’oublions pas que le responsable in fine en cas de « mauvaise note » est le chef d’entreprise, alors avant de partir en vacances préparez votre « contrôle » en testant vos FEC !