
Le télétravail a connu un essor stupéfiant au cours des dernières années et se trouve plébiscité massivement par les salariés comme par les employeurs. Solution apparente de bien-être au travail pour les uns, réponse au coût des locaux pour les autres, le télétravail est devenu un outil indispensable du management 2.0, tout au moins pour les métiers qui s’y prêtent (on voit mal l’ouvrier télétravailler avec une presse au milieu du salon…).
Juridiquement, le télétravail n’est pas autre chose qu’une forme d’organisation du travail par laquelle le salarié va être autorisé à réaliser tout ou partie des missions qui lui sont confiées par son employeur depuis son domicile au moyen d’outils informatiques appropriés. Le télétravail est défini par l’article L.1222-9 du Code du travail et peut être mise en place dans le cadre des accords collectifs de travail ou à défaut par un simple accord entre l’employeur et son salarié.
Le recours au télétravail nécessite pour l’employeur la mise en place de multiples procédures tant pour contrôler le volume de travail réalisé, le respect des temps de déconnexion ou encore la confidentialité des données rendues accessibles par le matériel informatique remis au salarié pour télétravailler.
Financièrement, le recours au télétravail doit s’accompagner de la prise en charge par l’employeur de l’ensemble des frais inhérents à la mise en place du télétravail au même titre que les frais engagés par les salariés qui ne sont pas télétravailleurs.
Un récent arrêt de la Cour de cassation (Soc. 19 mars 2025, n°22-17.315) vient éclairer l’étendue des obligations financières qui pèsent sur l’employeur lorsqu’il est fait recours au télétravail.
Dans cette affaire, un salarié réclamait de son employeur qu’il lui paie une indemnité compensatrice de l’usage de son domicile pour la réalisation du télétravail sur une période de 5 années par application de la prescription civile de droit commun résultant de l’article 2224 du Code civil. Il avait obtenu gain de cause devant la cour d’appel conduisant l’employeur à introduire un pourvoi en soutenant que la demande du salarié était encadrée par la prescription biennale de l’article L. 1471-1 du Code du travail relative aux demandes portant sur l’exécution du contrat de travail et non par la prescription quinquennale de droit commun.
L’employeur va obtenir satisfaction de la part de la chambre sociale de la Cour de cassation qui juge que la demande du salarié est limitée à deux années conformément à l’article L.1471-1 précité. En ce sens, la décision du 19 mars 2025 peut être vue comme un soulagement pour les employeurs.
Toutefois, cette décision crée une nouvelle incertitude lorsqu’elle indique que le salarié peut « prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition ou qu’il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail ».
En effet, se pose alors la question du point de savoir si l’indemnité est uniquement due lorsque le télétravail est mis en place à la demande de l’employeur (ce qui semblait être le cas dans l’espèce ayant donné lieu à la décision de la Cour de cassation du 19 mars 2025) ou si elle doit également être payée lorsque le recours au télétravail résulte d’une demande expresse du salarié. Et l’on devine alors toute
l’étendue des discussions auxquelles pourraient donner lieu cette question puisqu’il faudra, dans certains cas, établir qui de la poule ou de l’œuf est arrivé en premier.
Pour notre part, nous considérons que la rédaction particulièrement large de la décision, indiquant « ou qu’il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail » doit inviter à la plus grande prudence dans l’attente d’une clarification par la Cour de cassation. En toute hypothèse, si la demande émane uniquement du salarié, il y aura lieu de se ménager la preuve en actant cette demande par courrier, ou mieux par avenant au contrat.